Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Imprimer

Comment les acteurs de la retraite et de la prévoyance peuvent-ils s’adapter à l’allongement de la vie humaine ?

L’allongement de la vie humaine se traduit par une augmentation de l’âge moyen de la population, une croissance rapide de la part et du nombre de personnes âgées.

L’impact sur la société française est colossal : fragilisation des équilibres du système de retraite par répartition, explosion du nombre de personnes en perte d’autonomie et du nombre de personnes atteintes d’affection de longue durée (ALD), identification de nouvelles pathologies…

Le pacte républicain qui vise la cohésion sociale s’appuie sur la solidarité notamment intergénérationnelle dont la retraite par répartition est le symbole le plus fort, et à laquelle les couvertures santé et prévoyance contribuent aussi.

 

 

Bâti après-guerre, ce système a su évoluer en adaptant les paramètres (âge de départ, durée et taux de cotisation, valeur du point). Le début de l’accélération de la transition démographique a ainsi pu être géré par l’Etat et les partenaires sociaux. Mais les progrès scientifiques et médicaux associés à une prise de conscience croissante des comportements individuels à risque vont avoir des effets exponentiels.

Pour maintenir le système, les jeunes qui entrent avec difficultés dans le marché du travail, vont devoir cotiser beaucoup plus longtemps pour payer la retraite de leurs ainés de plus en plus nombreux. Assez vite, une carrière démarrant vers 22 ans nécessitera 45 années de cotisations pour obtenir un droit à retraite à taux plein, soit un départ à 67 ans. Il est vraisemblable que la retraite à 70 ans sera à envisager ensuite, puis 80 ans… Sans parler de l’homme qui vivra 1 000 ans qui est peut-être déjà né comme le dit Laurent Alexandre pour nous inviter à réfléchir. Impensable ?

La réforme des retraites que va proposer Jean-Paul Delevoye, prendra en compte le début de ce chemin. Il faudra en outre viser une forte rationalisation des coûts de gestion du système et une utilisation raisonnée des réserves des différents régimes. Le maintien d’un niveau plancher de réserves gagnera à être explicité car il constitue un facteur de confiance dans le système pour les jeunes générations. A titre d’illustration le régime Agirc-Arrco dispose à fin 2017 de 65 milliards d’euros, record, mais seulement quelques mois de pensions. L’allocation stratégique d’actifs qui définit la répartition des placements est un enjeu considérable. Acheter des actions ou des obligations ? De l’immobilier ou des infrastructures ? Financer les grandes multinationales ou les PME ? Indiscutablement orienter les placements vers des projets créateurs d’emplois en France est de nature à soutenir le système par répartition, mais comment le faire en maitrisant les risques ? Faut-il continuer à consacrer une part des cotisations à des actions sociales de solidarité ? Comment investir utilement dans la Silver economie ? La recherche de performance financière ne peut-elle pas être assortie de recherche d’impact social ?

La capitalisation doit-elle être favorisée en complément de la répartition ? La question mérite d’être posée compte tenu de la diminution prévisible du taux de remplacement (niveau de la pension de retraite sur le dernier revenu d’activité) fourni par le système par répartition. Se constituer un supplément de revenus à la retraite constitue donc un enjeu croissant. De nombreux outils permettent de s’y préparer. La capitalisation est accessible pour certaines catégories : Loi Madelin pour les indépendants, Préfon et ERAFP pour les fonctionnaires, épargne salariale avec notamment le Perco pour certains salariés. La préférence des Français pour une sortie en capital plutôt qu’en rente a favorisé le développement de l’assurance-vie et dans une bien moindre mesure du PEA. La diversité, la complexité et le niveau des frais représentent néanmoins des freins considérables au développement de ces produits. Le projet de loi PACTE porté par Bruno Lemaire vise à remédier à cela. On peut toutefois regretter que le calendrier législatif traite la retraite supplémentaire avant la retraite de base et complémentaire.

S’agissant d’une épargne longue, plusieurs dizaines d’années, la solidité des acteurs de la retraite par capitalisation est fondamentale. Comment concilier la recherche de garantie de pérennité avec l’efficience économique ? Quelles contraintes réglementaires raisonnables mettre en œuvre ? La durée des placements autorise une prise de risque accrue. Comment la calibrer autrement que par une appréciation du risque à l’horizon d’un an érigée comme un dogme dans Solvabilité 2, la réglementation qui s’impose aujourd’hui aux assureurs ? Comment intégrer dans les contraintes de très long terme les enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ? L’épargne très longue en vue de la retraite ne doit-elle pas être orientée sur les thèmes qui favorisent le maintien en bonne santé physique et mental des individus : innovation thérapeutique, limitation de la pollution, énergies renouvelables, économie des ressources naturelles, protection de l’environnement, services à la personne, création d’emplois, sécurité, amélioration du fonctionnement démocratique ? Inciter les citoyens à épargner pour leurs vieux jours est important. Le fléchage de cette épargne en cohérence avec les aspirations à une retraite longue et heureuse pour tous ne doit elle pas guider le législateur, les lobbies et les directions marketing des acteurs pour converger vers des propositions efficientes ?

Les enjeux pour les acteurs de la prévoyance et de la santé sont tout aussi vertigineux. En travaillant plus longtemps, un individu rencontrera davantage de problèmes de santé pendant sa carrière. Le renchérissement de la couverture complémentaire santé et prévoyance semble donc inéluctable. Ce coût est partagé entre l’entreprise et le salarié à travers les contrats collectifs. Quel équilibre trouver entre compétitivité coûts de nos entreprises et bien-vivre au travail qui engendre une compétitivité hors coûts ? La répartition des rôles entre sécurité sociale et couverture complémentaire peut-elle être revue pour limiter les coûts de gestion ? La prise en charge de la consultation chez le généraliste pour partie par la Sécurité Sociale et pour partie par chacune des complémentaires santé est une aberration économique : plusieurs centaines de systèmes d’information doivent être mis à jour à chaque modification, le tiers payant est un casse-tête pour les médecins... Au contraire les complémentaires santé devraient pouvoir offrir des prestations personnalisées ou pour le moins adaptées à une partie de la population ayant des besoins spécifiques. La Sécurité Sociale traiterait, elle, du dénominateur commun dans un souci de simplicité et d’efficience économique ainsi que des risques lourds dans un souci de solidarité. La mutualisation des risques des contrats santé et prévoyance permettrait de renforcer la prévention santé en entreprise avec un effet bénéfique sur le coût de la prévoyance. Mais comment le mesurer objectivement ? Comment calibrer la solidarité entre actifs et inactifs sans peser trop lourdement sur nos entreprises ?

Compte tenu de l’augmentation vertigineuse du nombre de personnes confrontées à la perte d’autonomie, les assureurs ne devraient t’ils pas construire des offres dont les prestations seraient servies en « nature » plutôt qu’en euros ? La difficulté, y compris pour les aidants, à trouver des solutions concrètes de prise en charge humaine et adaptée trouverait alors des réponses à valeur ajoutée considérable.

L’unité sociale passe par la recherche permanente de réponses évolutives à ces enjeux dans le cadre d’un modèle économique soutenable. La recherche de l’intérêt général justifie le dépassement d’intérêts particuliers, mais des phases de transition doivent être mises en place pour que chacun puisse préparer sereinement son avenir. L’ensemble des acteurs devrait coopérer pour construire les solutions adaptées aux enjeux de l’allongement de la vie humaine plutôt que de se recroqueviller sur leurs prés carrés actuels. S’ils n’en prennent pas conscience, ils se feront dépasser par de nouveaux acteurs plus agiles et prenant mieux en compte la problématique d’accompagnement humain de nos ainés.

 

Pierre a exercé des fonctions de cadre dirigeant dans la banque, l’assurance de personnes et la retraite complémentaire. Diplômé de l’Ecole Centrale Lille (1985), il a contribué ces dernières années à l’amélioration du financement des entreprises et la conception de nouveaux modèles économiques pour créer de l’impact social notamment pour favoriser le bien-vieillir.

Les commentaires sont fermés.